" cartographie de la nostalgie " par Rachid Boudjedra (écrivain).
Extrait d'un article de l'écrivain Rachid Boudjedra,publié dans le quotidien Algérie News
Jean Senac est né 4 rue Chanzy. cet article m'a été envoyé par Moustapha Mangouchi.
Si pour Salvador Dali, la gare de Perpignan est" ironiquement"le centre du monde, la gare du Khroub et le port de BENI-SAF sont ,pour moi, d'une façon à la fois pathétique et jubilatoire,non pas le centre du monde, mais le lieu géographique de l'Univers en général et de mon imaginaire, en particulier,...Le port de Beni-Saf a installé en moi une nostalgie " adulte ". A vingt ans, j'ai découvert l'existence de ce petit port, grâce à Jean senac. et à sa mort, cette nostalgie est devenue une " boursouflure"
Jean Senac était né à BENI-SAF et en parlait comme le centre névralgique du monde.C'est à cette époque que j'ai jeté mon dévolu sur ce petit port échancré et mythifié à outrance.Chaque fois que je décidais d'aller le visiter, je remettais ce voyage initiatique à plus tard .
Parce que j'avais peur d'être déçu et d'avoir été trompé par la faconde de Jean Sénac? parce que je me complaisais avec délectation dans cette envie de voyage que je ne voulais pas assouvir, je ne le sais pas.
Puis Jean Senac a été assassiné à Alger en aôut 1973. Et Beni-Saf était devenu pour moi le lieu de l'amertume et du deuil. Du remord,aussi, parce que je ne l'avais pas visité en compagnie de Jean Senac.
BENI-SAF , ce petit port minuscule et létargique était devenu une blessure de la mémoire et une fixation de la culpabilité.Il m'est souvent arrivé de passer tout près, mais j'évitais de m'y rendre.
Et puis , il y a cinq ans , je finis par y aller et à affronter ce lieu.
BENI-SAF fut une explosion de la nostalgie que j'ai porté en moi pendant quarante ans.
Là je découvris ce que le mot ferveur, voulait dire.